Il est ici question de cartes. De cartes géographiques anciennes. Des cartes qui reflètent l'histoire, celle de la connaissance du monde comme de l'ambition des hommes. Ou de leurs rêves, justifiant que le cartographe se fasse souvent artiste, l'imaginaire venant alors au secours d'une incertaine réalité.
Si l'histoire se lit dans les cartes, il est aussi des histoires de cartes, inventées parfois par le romancier, mais parfois par l'historien ou le géographe, se faisant faussaire pour des motifs étrangers à son art.
ROMANS
Les voyages de Suleimane, un roman de Jacques-Roger Vauclin, raconte sur un mode imaginaire l'histoire d'une carte existante, attribuée à Marco Polo, mais dont l'origine exacte reste à établir. Le lecteur trouvera ici la genèse et quelques clés du roman.
Les cartes tiennent également une place importante dans Ivoire et malaguete, un autre roman de Jacques-Roger Vauclin. Celles, d'abord, établies par les cosmographes de Majorque dès le XIV° siècle, telles que l'Atlas Catalan, ou, un peu plus tard, la mappemonde de Mecia de Viladestes. Des cartes utiles aux marins, mais aussi aux voyageurs qui empruntaient les routes de l'intérieur de l'Afrique, depuis le Maghreb jusqu'à Tombouctou. À l'image du Dieppois Paluel, héros de fiction qui accède par la voie terrestre à la Guinée que le "roman français" voit découverte par des navigateurs normands à la fin du XIVe siècle. Une légende née, en fait, quelques décennies après que soient apparues sur les cartes d'Afrique, françaises ou hollandaises, vers 1630, les mentions d'un Petit Dieppe ou d'un Petit Paris. Le roman vise à rétablir la réalité historique lorsqu'il est rappelé que les Portugais n'ont été à coup sûr précédés par des Français sur des côtes africaines qu'à la faveur de la conquête des Iles Canaries par le Normand Jean de Béthencourt, qui a atteint le cap Bojador dès 1405.
Comme il n'est pas de trésor sans carte, celle qui mène aux joyaux enfouis sur le plateau de la Désirade est retrouvée dans Les violons créoles. Un roman qui a pour cadre, à la fois grandiose et tragique, les années qui, au tournant des XVIII° et XIX° siècles, ont été aux Antilles, celles de l'épopée de Toussaint Louverture à Saint-Domingue, de la première abolition de l'esclavage suivie de son rétablissement par Napoléon Bonaparte, de la guillotine et des corsaires de Victor Hughes, puis du sacrifice de Delgrès et d'Ignace, en Guadeloupe.
Le roman La Grande Barrière est en rapport avec les productions cartographiques qui ont fait la célébrité de l’École de Dieppe, dans la première moitié du XVI° siècle, et qui montraient, avec le Canada de Jacques Cartier, les contours d'une vaste terre où beaucoup, par la suite, ont reconnu l'Australie.
L'étoile des sept mers débute par la remise au cosmographe vénitien Ramusio du Voyage d'un grand navigateur du port de Dieppe en France, point de départ d'une itinérance maritime et philosophique de son auteur, spectateur affligé des guerres de religion, en quête des moyens conduisant à la paix civile et religieuse.
Les premières pages de L'énigme du Roi-Soleil évoquent la mappemonde du jésuite Matteo Ricci, où la Chine est au centre, et non plus reléguée près des bordures orientales comme il est ordinairement de mise sur les cartes du monde faites par les Européens. Le roman, qui raconte pourquoi Louis XIV a choisi l'astre solaire pour emblème, fait ensuite une large place aux représentations du ciel, celle des cartographes et des peintres, acquis, ou pas encore, aux idées de Copernic et de Galilée, ou celle d'un Kepler, imaginant notre Lune abritant montagnes, villes et habitants.
ÉTUDES du site
Bien d'autres questions posées par les dessins souvent mystérieux des cosmographes sont discutées dans la rubrique Questions de cartes, cartes en question :
Le débat est ouvert avec une interrogation sur l'origine d'un nom de lieu à la Martinique, qui nous conduira aux sources de Macabou.
Suit un nouvel examen des mystères du détroit d'Anian.
Puis un point de vue sur l'exact emplacement du mythique cap Bojador, au delà duquel s'ouvrait, selon les marins portugais d'avant Eanes, la "mer des ténèbres".
Dans leur avancée au long des côtes africaines, les Portugais rencontraient, en 1445, une "rivière de l'Or". S'agissait-il du "riu delor" évoqué dans l'Atlas Catalan confectionné en 1375 par le majorquin Cresques ? Il semble bien, en fait, que les cartographes de Majorque connaissaient le fleuve Sénégal avant qu'il ne soit abordé par les Portugais de l'infant Henri.
Une étude plus importante est consacrée aux diverses appellations qui, au cours de l'histoire, ont été données aux îles des Antilles : îles Canibales, îles Caribes, îles Camercanes, îles Antilles et autres îles du vent et sous le vent.
Une autre étude concerne la place occupée par la représentation des Indiens caraïbes dans la cartographie des Petites Antilles : La destinée des Indiens caraïbes dans les cartes marines anciennes. Elle est complétée par une notice retraçant le parcours de ceux qu'on appelait au XVIII° siècle les "Caraïbes noirs", évoqués dans le roman Les violons créoles : Des Caraïbes noirs aux Garifuna.
La cartographie française s'est illustrée au XVI° siècle à travers les œuvres de ce qu'on a appelé l'École dieppoise, qui a notamment représenté le Canada avec les connaissances nouvelles issues des voyages de Jacques Cartier. Un développement est ici consacré au Labrador, tel qu'il était montré, de différentes façons, sur les cartes dieppoises.
Les cartes dieppoises du XVI° siècle sont surtout célèbres en ce qu'elles montrent, au sud de Java, une masse terrestre où beaucoup reconnaissent aujourd'hui l'Australie, qui aurait été ainsi approchée par des navigateurs européens avant les découvertes officielles par les Néerlandais au XVII° siècle, puis les Anglais au XVIII° siècle. L'identification de côtes australiennes sur les cartes de Dieppe est usuellement assortie de l'affirmation selon laquelle ces cartes feraient rapport de découvertes effectuées, non par des Normands, mais par les Portugais, présents en mer des Indes depuis Vasco de Gama. L'étude intitulée L'Australie sur les cartes dieppoises : une approche française, ouvre la question d'une contribution qui ne se résumerait pas à une simple transposition.
Les mêmes cartes sont souvent oubliées dans les présentations de la cartographie ancienne des Amériques en général, et des Antilles en particulier. La brève étude consacrée aux Antilles sur les cartes dieppoises du XVI° siècle vise à attirer l'attention sur les apports de ces manuscrits à l'histoire de la géographie antillaise.
Les cartographes dieppois, par ailleurs, ont contribué à enrichir le mythe des géants en rappelant comment les Espagnols en ont rencontré en Patagonie, tout en identifiant leur présence dans une île de la mer des Indes orientales.
Jacques-Roger Vauclin
Llevame a pasear por el mundo anchuroso
Carlos Guzman, 2010